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derrière moi ; puis, après avoir piétiné quelques instants sur le sol, pour simuler la cadence d’un pas qui s’éloigne, je me glissai, dans l’ombre du mur d’enceinte, jusqu’à l’autre extrémité du principal corps de logis, où donnaient les fenêtres de l’Ilienne. Ce manège de rôdeur nocturne qui, la veille encore, m’eût paru incompatible avec mon caractère, j’y goûtais à cette heure une espèce de jouissance farouche et d’âcre volupté.

Les circonstances venaient de réveiller en moi le démon héréditaire, l’esprit de ruse de mes aïeux paternels, les durs « Paganiz[1] » de l’Aber-Vrack, réputés naufrageurs subtils et grands dépisteurs de gabelous.

Les volets des Chevanton étaient clos ; mais, en y collant l’oreille, je perçus à l’intérieur

  1. On désigne par ce nom de « Paganiz », ou Païens, les populations, de mœurs encore rudes et primitives, qui occupent, sur le littoral léonnais, les territoires de Plouguerneau, de Plounéour-Trèz, de Kerlouan et de Guissény.