Page:Le Braz - Le gardien du feu, 1909.djvu/194

Cette page n’a pas encore été corrigée

sons grêles de cloches qui m’en tirèrent. L’angélus, ou peut-être quelque glas, tintait à Plogoff. D’un geste irréfléchi, j’ôtai mon béret de mer et j’allais ébaucher le signe de croix que l’Église, en ces occurrences, recommande à tout croyant, quand, aussi vite, ma main s’arrêta, suspendue. Et, au lieu de l’oraison prescrite, à laquelle jusqu’alors je n’avais manqué jamais, — ce fut une parole blasphématoire qui me jaillit des lèvres, la première que j’eusse proférée de ma vie, mon ingénieur. Je sentis, à cela surtout, que je n’étais plus le même homme et que, pour m’avoir retourné de la sorte, il avait dû se passer, dans ma destinée, quelque chose de foudroyant, d’irréparable, de définitif.

Mes regards paralysés retrouvèrent leurs facultés de perception : ils s’ouvrirent sur le désastre.

Mon âme entière était comme une terre veuve, comme un pays rasé. Oui, oui, la « peste noire » avait magnifiquement accompli