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après souper, elle apporte son tricot et, tandis que je brode, elle me raconte des histoires comme je les aime, des histoires de choses invraisemblables arrivées à des personnes de son île. On ne s’ennuie jamais avec elle… Bien mieux : chaque matin, c’est elle qui va me puiser mon eau à la citerne… Elle a des qualités, crois-moi… Ce n’est que quand tu es là qu’elle se renfonce dans sa sauvagerie, par discrétion, je pense, et aussi — elle me l’a confessé — parce qu’elle te craint, parce qu’elle ne peut s’empêcher de voir en toi le chef de son mari, et que ta gravité silencieuse lui en impose.

Je m’inclinais devant le dire d’Adèle, que Louarn, dans nos entretiens du phare, me confirmait, mais je n’avais pas encore réussi à me débarrasser de mes préjugés hostiles contre la Chevanton. Elle demeurait pour moi l’« ennemie » ; et de songer que ce serait sa figure équivoque qui m’apparaîtrait la première au débarquer, alors surtout que