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la tête. C’est un carillon ravissant : il ensorcelle qui l’écoute.

— C’est pourquoi vous êtes allé prendre femme dans leur pays, conclut, avec un clignement d’yeux, le brave père Lozac’h.

L’image d’Adèle, brusquement évoquée, m’emplit d’un vertige délicieux. Je m’allongeai à demi, la nuque appuyée au bordage, et ne parlai plus. D’ordinaire, quand je rentrais d’exil, j’avais au début de la traversée, un besoin puéril de donner de la voix, de gesticuler, d’entonner même de vagues airs qui ne me revenaient qu’alors, de me prouver enfin que je m’appartenais et de faire retentir les échos du chant de ma liberté reconquise. Cette fois, ce fut tout l’opposé.

Bercé au mouvement à peine perceptible du bateau, dont la haute voilure, rougie au tan, promenait sur la mer une ombre couleur de pourpre, je me laissai aller à une espèce de somnolence, de torpeur magique