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rappelle être resté des journées sans ouvrir la bouche, autrement que pour réciter mes prières du matin et du soir. Parler m’était pénible : le son de ma propre voix me produisait un effet de malaise. Au collège, il en alla de même : il fallait m’arracher les mots. Ce fut, je pense, une des raisons qui me firent passer auprès de mes professeurs pour stupide. Et, cette paresse de langue, la vie de mer, la vie de phare, contribuèrent encore à l’aggraver. C’est à peine si je réussissais à la vaincre avec ma femme. Jugez de mon embarras en présence d’un indifférent ! Ce m’était un pur supplice.

Eh bien ! avec ce Louarn, je me sentis tout de suite en confiance. Il y avait, dans ce Trégorrois à mine de femmelette, un peu du sortilège des filles de sa race. Il est vrai qu’il s’était mis, dès l’abord, à me parler d’Adèle, à me vanter sa bonne grâce, ses manières obligeantes, son empressement à