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meilleurs souvenirs du bord. Voici qu’il me semblait entendre, du fond de ma jeunesse, les rires, les lazzi de mes camarades, et cette évocation, jointe à la douceur de songer que l’absence d’Adèle allait prendre fin, m’emplit l’âme d’une telle allégresse juvénile que, tout en faisant mousser le savon sous le crin de ma brosse, moi, le moins mélodieux des hommes, je m’oubliai jusqu’à chanter. Il n’était guère varié, mon répertoire. Vieux chants de matelots, improvisés sur le tillac ou dans les hautes vergues, et qui se lèguent d’un équipage à l’autre, depuis des siècles. J’en avais retenu, de-ci, de-là, des couplets épars qui, maintenant, me remontaient aux lèvres, comme renvoyés par les échos de toutes les mers où mes navigations anciennes avaient passé.

Je les fredonnais comme ils me venaient, vaille que vaille, et cela n’avait aucun sens, hormis que le soleil était clair, qu’Adèle pourrait se mirer dans sa demeure, et que