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M. Renan[1] fait de cette constante préoccupation de l’autre vie un des traits caractéristiques de la race celtique ; ce qui est certain, en tout cas, c’est que cette continuelle fréquentation de la mort a imprimé à l’esprit des Celtes d’Armorique un tour très particulier. Dans leurs chansons d’amour apparaît sans cesse le sentiment de la fragilité du bonheur. L’amour, c’est une joie qu’on goûte à peine et qui s’enfuit, mais cet amour cependant, c’est un amour éternel qui persiste par delà la tombe ; la bien-aimée morte est aussi tendrement aimée que la bien-aimée vivante. L’amour seul éternel, au milieu de toutes les choses qui passent, irréelles et fugaces comme un rêve, c’est toute l’âme chantante et triste de la Bretagne. En nul autre peuple, peut-être, ce sentiment n’a trouvé d’aussi troublante et mystérieuse expression. Le très grand intérêt des légendes qu’a recueillies M. Le Braz, c’est qu’elles constituent le commentaire le plus vivant et le plus clair à la fois de ces chansons, qu’il publiait récemment en collaboration avec M. Luzel, et où se traduit ce qu’il y a de

  1. La poésie des races celtiques in Essais de morale et de critique, p. 375.