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dite, ce n’est point Satan qui habite en lui, mais l’âme d’un mort. Partout donc l’idée de la mort, l’idée de l’autre vie est présente, tout la rappelle, tout la ramène ; croyances, traditions, cérémonies, légendes, tout est marqué du même sceau.

Ce perpétuel contact avec la mort a imposé sur l’âme des Bretons une empreinte profonde ; il n’est pas de pays où ceux qui ne sont plus restent ainsi mêlés aux vivants ; les morts gardent, à vrai dire, leur place dans leur maison, le cimetière est comme un prolongement du foyer ; on y va, si j’ose dire, causer avec les siens. Il y a dans les grandes villes, à Paris par exemple, une sorte de religion de la mort, mais c’est, à tout prendre, bien plutôt le culte des tombeaux que le culte des morts ; on ne vit point en intimité avec eux. En Bretagne, il semble que ceux qui sont partis ne soient point partis tout à fait, qu’ils soient encore là tout près, qu’ils aient seulement changé de demeure, qu’ils habitent le cimetière au lieu de la maison. Aussi y a-t-il une vive résistance aux tentatives faites pour éloigner les cimetières des villages ; cela paraît aux Bretons une sorte de profanation, il leur semble qu’on brise les familles, qu’on contraint les vieux à habiter loin de la maison de leurs fils.