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Ce disant, l’ange emmena le boiteux en paradis.

Dieu nous donne la grâce d’y aller à notre tour[1].


(Conté par Louise Le Bec. — Scaër.)
  1. J’ai recueilli plusieurs variantes, de cette légende et de celle qui précède. Primitivement ce devaient être des contes mythologiques à qui l’on a donné plus tard une signification chrétienne.

    Dans une de ces variantes, au lieu du puits et du cheveu dont il est question plus haut, c’est une mare (eur poull) qu’il fallait traverser sur un fil de laine.

    Quant au Voyage de Iannik, il le faut comparer aux deux récits analogues que M. Luzel a publiés dans ses Légendes chrétiennes (tome I, p. 216 et 225 : Le petit pâtre qui alla porter une lettre en paradis). Dans une variante que j’ai recueillie à Bégard, le mort, un ancien capucin, remet à Iannik une lettre à porter en paradis et une baguette blanche aussi pour l’y conduire. L’enfant voit en chemin les mêmes choses extraordinaires ou terribles que dans la version précédente. Seulement, au lieu de deux montagnes, ce sont deux arbres qui se battent ; ils s’entre-choquent avec une telle fureur qu’ils lancent au loin fragments d’écorce et copeaux de bois. Vient ensuite une grande roue de feu, un treuil enflammé (eun trawill-tan) qui barre la route. Puis, ce sont deux énormes faulx disposées en croix, et qui fauchent tout ce qui est à leur portée. Plus loin, Iannik voit, dans de beaux carrosses dorés, des hommes et des femmes magnifiquement vêtus. Ils s’arrêtent pour boire et manger, avec des chants et des rires, à des tables surchargées de mets exquis, garnies de toute espèce de vins. Quand ils sont rassasiés, ils dansent, au son de mille instruments, sur de vastes pelouses de gazon fleuri. Mais, à l’extrémité du chemin qu’ils parcourent si gaîment, ils tombent tous dans un gouffre noir d’où jaillissent des flammes et d’où montent sans cesse des cris d’épouvante ou de malédiction. La baguette blanche conduit alors Iannik dans un chemin tapissé d’herbe aussi douce que le velours, où de grands vieillards, à barbe blanche et en longues robes grises, se promènent avec lenteur, tristes et dolents, en baisant et en arrosant de larmes des