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tions multiples qui lui étaient dévolues à l’origine comme à tous les dieux des religions anciennes que ses fonctions de destructeur, d’exterminateur ; il est devenu l’ouvrier de la Mort, la Mort même personnifiée, et ce rôle nouveau lui a été sans doute d’autant plus aisément attribué qu’il était lui-même un mort en continuelles relations avec les choses de l’autre vie.

Mais jamais l’Ankou n’est devenu un véritable démon, au sens chrétien du mot ; on le représente comme impitoyable, mais non comme perfide ou cruel ; on fait même de lui le symbole et comme l’expression vivante de la justice[1]. Il est le ministre de Dieu et non du diable, l’exécuteur des volontés du Tout-Puissant. Nul ne songe à se révolter contre l’Ankou, il semble que ce soit la main même de Dieu qui dirige sa formidable faulx.

Ce ne sont pas seulement les âmes des morts qui peuplent la nuit, mais des êtres malfaisants et dangereux, dont la rencontre est funeste, qui n’ont jamais été des vivants, qui sont d’une autre race que la race des hommes ; ils semblent cependant faire partie du même monde dont font partie les morts. Ce sont les laveuses de nuit (kanorez-noz), le crieur

  1. Cf. L’homme juste : Luzel, Légendes chrétiennes, t. 1, p. 335.