Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/548

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Des oiseaux noirs ou gris tournoyaient au-dessus des arbres sans pouvoir se percher dans leurs branches.

— Ce sont ceux qui assistent à la messe avec leur corps, non avec leur âme. Ils prient des lèvres, mais leur pensée est ailleurs. Tout en marmottant : Hon tad, pehini zo en env[1], ils songent : « S’est-on souvenu de donner à manger au cochon » ? « La servante a-t-elle mis le lard dans la soupe ? » Leur esprit voltige sans cesse, et ne peut s’arrêter à la seule préoccupation qui importe : celle du salut.

— Quand j’ai été plus avant dans la forêt, j’ai rencontré des nuées d’oiseaux blancs. Ils se posaient dans les hautes branches et chantaient à ravir.

— Ce sont ceux qui, sans mériter le paradis, sont trop purs pour le purgatoire. Ils font entre ciel et terre une douce pénitence.

— Je suis parvenu au pied d’une montagne. Il y avait là du gazon plus agréable au toucher que le velours. Une brise a passé, semant une odeur suave. Puis des voix se sont mises à chanter bellement, mais tristement. Je n’ai jamais entendu chant plus frais et plus mélancolique.

— Ce gazon si moelleux, mon filleul, c’est la tendre chair des enfants morts sans baptême. La bonne odeur est celle du baptême qui les attend au jour du jugement. Ils chantent bellement, parce que, de loin, les anges les instruisent à chanter, mais leur voix est triste du regret d’avoir perdu leurs mères sans avoir trouvé Dieu.

  1. C’est le Pater en langue bretonne.