Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/546

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Combien de temps marcha-t-il ainsi dans les ténèbres, c’est ce qu’il n’aurait su dire.

Bientôt, il lui sembla que la nuit s’éclaircissait. Ce n’était pas encore le jour, certes, ni même le crépuscule du matin ; c’était toujours un gris trouble, mais où ses yeux s’habituaient peu à peu à se reconnaître. À la forme des fossés, il jugea qu’il était sur la route de Kerbeulven et qu’il n’était plus à grande distance du manoir. Il ne tarda pas à pénétrer, en effet, dans l’avenue. Sous le châtaignier, il vit une lumière blanche, et dans cette lumière, son parrain lui apparut, à la place où il l’avait quitté pour entreprendre ce voyage.

— Eh bien, mon filleul, dit le prêtre, te voilà revenu sain et sauf, à ce qu’il me semble ?

— Oui, ma foi ! mon parrain.

— As-tu au moins retenu ce que tu as vu et peux-tu m’en donner le détail ?

— Point par point, mon parrain.

— Commence donc. Je t’expliquerai chaque chose à mesure.

— D’abord, mon parrain, j’ai dû traverser un ravin qui n’était que ronces et épines.

— C’est le premier chemin du paradis, mon enfant.

— Ensuite, j’ai vu deux montagnes qui se battaient.

— Ce sont les gens mécontents de leur sort et jaloux du sort d’autrui. Ils se brisent en cherchant à briser. Après ?

— Après, je suis arrivé devant une brume rouge qui était comme l’haleine sanglante des vagues d’une mer en courroux.