Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/541

Cette page a été validée par deux contributeurs.

dans une région nouvelle qui était tout le contraire de la précédente. C’était un pré si vaste que l’œil n’en pouvait mesurer l’étendue. Il y poussait une herbe haute, serrée, verdoyante à plaisir. Elle ne tentait cependant pas cinquante vaches qui étaient là et qui semblaient à demi mortes de faim, tant leur peau était flasque et ridée sur leurs os, tant leurs jambes vacillaient sous elles. Au lieu de paître, elles restaient, le mufle tendu par-dessus le muret de pierres sèches, à regarder avec des yeux furibonds, leurs compagnes qui se régalaient dans le pays maigre, tandis qu’elles, dans leur pays d’abondance, meuglaient la famine.

Iannik passa outre.

Il arriva à une grande forêt, où il y avait des arbres de toutes essences, de toute taille et de toute dimension. Autour de chaque arbre voltigeaient des bandes d’oiseaux. Iannik observa qu’ils tournoyaient, tournoyaient sans fin, et jamais ne se perchaient sur aucune branche. Leur vol était silencieux et plein de mystère comme celui des oiseaux de nuit. Leur plumage était tantôt gris, tantôt noir.

Iannik continua d’avancer à travers la forêt.

Bientôt il vit accourir des bandes d’oiseaux blancs. Ceux-ci s’abattirent sur les hautes ramures des arbres et se mirent à chanter d’une voix si mélodieuse que Iannic se crut transporté dans les bois de Kerbeulven, par une jolie matinée de printemps.

— À la bonne heure ! murmura-t-il, voilà qui vous met le cœur en joie !

Et il reprit sa route, avec une vaillance nouvelle. Il fit ainsi des lieues et des lieues.