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donna à l’enfant, sur les fonts baptismaux, son prénom de Iann ou de Jean. Puis il fit porter chez l’accouchée le meilleur vin de sa cave, auquel, pour son compte, il ne touchait jamais. Au repas de baptême, il récita le bénédicité puis s’en alla, en disant :

— L’enfant dont nous célébrons la venue verra des choses qui n’ont pas encore été découvertes à des yeux de chrétien.

Cet enfant grandit.

Lorsque le moment de sa première communion fut proche, le prêtre le prit avec lui à Kerbeulven, pour l’instruire. Il lui apprit à répondre et à servir la messe, et ne voulut plus d’autre acolyte. Le garçonnet s’attacha à son parrain, de tout cœur. Tous les matins et tous les soirs, il se rendait à Kerbeulven, assistant Dom Iann dans tous ses exercices de dévotion comme dans toutes ses bonnes œuvres.

On prétend que les saints ne vivent jamais vieux. Ils sont pressés de s’en retourner vers le Seigneur, et le Seigneur a hâte de les avoir près de lui. Toujours est-il que dans le cours de sa cinquantième année Dom Iann tomba malade. Il dut s’aliter. Seulement, comme on était dans la belle saison, il continua quelque temps de se lever l’après-midi, pour aller prier à la chapelle. Durant le trajet, il s’appuyait sur l’épaule de son filleul, Iannik. Sa prière dite, il se faisait conduire dans l’avenue. Il y avait là des arbres centenaires, parmi lesquels un châtaignier haut de quatre-vingts pieds. Le prêtre aimait à s’asseoir à son ombre, la figure tournée du côté de la mer qu’on voyait bleuir au loin entre Buguélès et le Port-Blanc. Il y demeurait