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— Qu’entendez-vous par là ?

— Tu verras ça. En attendant, vide-moi ce verre de vin. Il te faut des jambes pour aller jusqu’à Belle-Isle.

— Comment ! jusqu’à Belle-Isle ? s’écria Jobic Ann Dréz. Vous moquez-vous de moi ? Voilà votre barbet, gardez-le ! Faites-en ce qu’il vous plaira ! Moi, je m’en vais à Trézélan ; sans Tadic-coz, j’y serais déjà. Bonjour et bonsoir, Monsieur le recteur !

— Ta, ta, ta ! mon garçon. Des barbets du genre de celui-ci, quand on en a pris la charge, on ne les plante pas ainsi au premier tournant de route. Si par malheur tu lâchais ce chien, c’en serait fait de toi. Ton âme serait condamnée à prendre la place de l’âme mauvaise qui est en lui. Vois si cela te convient.

— Ce chien n’est donc pas un chien ? murmura Jobic subitement radouci, et même un peu pâle.

— Hé non ! c’est quelque revenant malfaisant que Tadic-coz aura conjuré. Regarde comme ses yeux étincellent.

Pour la première fois, Jobic examina le chien d’un peu près ; il remarqua qu’en effet il avait des yeux extraordinaires, des yeux de diable.

— N’empêche, murmura-t-il, c’est un vilain tour que Tadic-coz m’a joué là !

— Ce que tu as de mieux à faire, désormais, c’est d’en prendre ton parti, dit le recteur de Louargat.

— Ainsi, je dois maintenant me rendre à Belle-Isle ?

— Oui, tu iras trouver mon confrère et tu diras que c’est moi qui t’envoie.

— Allons ! soupira Jobic. Puisqu’il faut, il faut…

Et le voilà en route pour Belle-Isle, faisant à re-