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duit encore d’une main ferme la charrue à travers cette terre féconde dont la passion l’a arraché du séjour silencieux des âmes.

Il s’en faut cependant que tous les morts soient bienveillants, ils sont cruels souvent pour ceux qui vivent encore et il est imprudent de les approcher de tout près. Quand la nuit est close il est sage de rester dans sa maison ; il n’est pas bon pour les chrétiens d’aller par les grandes routes quand la lumière du soleil s’est éteinte : on est exposé à de dangereuses rencontres ; les morts sont les maîtres de la nuit, ils n’aiment point qu’on vienne les troubler, et ils savent infliger aux indiscrets des leçons souvent cruelles. On n’échappe guère aux périls de la nuit que grâce à une protection surnaturelle ou par une incroyable habileté ; ni Ludo Qarel, ni Fant ar Merrer ne seraient revenus vivants chez eux, si leur bon ange ne les avait accompagnés tout le long de la route. On n’a rien à craindre cependant si l’on a avec soi un petit enfant qui n’est pas encore baptisé ou si l’on songe à temps à invoquer le nom de Dieu : « Si tu viens de la part de Dieu, exprime ton désir. Si tu viens de la part du Diable, va-t’en dans ta route comme moi dans la mienne. » Il faut se garder d’accepter rien de ceux que l’on rencontre la nuit sur les che-