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Fantès-ar-Pédonnou se trouva devant un étang construit et pavé en pierres de taille. L’eau y était claire, lumineuse. Çà et là des cadavres flottaient, la face tournée vers le ciel. Parmi les plus rapprochés du bord, Fantès reconnut deux hommes du pays qui avaient été noyés, un jour de tempête, l’année d’auparavant, sans qu’on sût au juste dans quels parages.

Une vanne d’acier fermait l’étang. Avec une des clefs, la pauvresse ouvrit cette vanne. L’eau se précipita écumante vers la mer. Les noyés se levèrent comme ressuscités, et Fantès les vit s’éloigner en chantant des cantiques, par le chemin des flots où ils marchaient paisiblement, comme autrefois Jésus.

Quand toute l’eau se fut écoulée, le fond de l’étang apparut à Fantès couvert de pièces d’or. Elle en ramassa autant qu’elle en put porter et revint à sa maison.

Le lendemain, dès la première heure, elle courut à confesse.

— Que ferai-je de tout cet or ? demanda-t-elle au prêtre, après lui avoir conté son aventure.

— Vous ferez dire des messes pour les âmes qui en ont besoin, répondit le confesseur, et vous distribuerez l’aumône aux vivants[1].


(Conté par Marie-Hyacinthe Toulouzan. — Port-Blanc.)
  1. L’île du Château commande à l’ouest l’entrée du Port-Blanc. On y voit encore les ruines d’anciennes fortifications. Elle est dominée par des masses de rochers qui peuvent compter parmi les plus imposantes de la côte trégorroise. La partie basse forme une