Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/482

Cette page a été validée par deux contributeurs.
407
EN BASSE-BRETAGNE


    Ainsi donc, ne manquez pas — de venir à Lochrist-ann-Izelvet — gagner des indulgences, — le quatorze du mois de la paille blanche (septembre).

    Ce jour-là se célèbre la solennité — du grand pardon, en ce lieu. — C’est pour nous une occasion de prier Jésus — qu’il soit à notre égard miséricordieux.


    C’est là la traduction, aussi littérale que possible, d’une vieille gwerz bretonne, jadis très répandue dans le pays de Morlaix. Au pardon de Lochrist-ann-Izelvet, il s’en débitait des milliers d’exemplaires imprimés en feuilles volantes. Au temps où fut composée notre gwerz, ce pardon ne jouissait déjà plus de son antique faveur dans la dévotion populaire, si l’on en juge par la mélancolie du début, et surtout par la naïve réclame de la fin. Toutefois il a conservé quelques fidèles ; aussi la complainte trouve-t-elle encore à se vendre. La preuve en est qu’elle se réimprime. L’exemplaire que j’ai entre les mains a eu pour éditeur Lanoë, le successeur actuel de Lédan, à Morlaix. Il est donc tout récent, malgré l’air ancien que prennent si vite toutes choses en Bretagne, et en particulier les publications sur papier d’étoupe à l’usage du peuple. Il a pour titre exact : Autrou Lochrist-ann-Izelvet (Seigneur de Lochrist-ann-Izelvet) ; au-dessus de cet intitulé, une gravure grossière représentant un Christ en croix, dans un paysage de roches, sur un fond de ciel sombre, avec cette légende au bas : Bezit sonch eus ar Vetronet (Ayez souvenir des Bretons).

    Suivant la croyance populaire, bien que la gwerz ne le dise pas explicitement, le mendiant que la femme négligea de secourir et le charpentier qu’elle rencontra sur le chemin, à son départ de Rome, n’étaient qu’un seul et même personnage. La moralité de l’histoire, c’est qu’il faut être charitable envers les pauvres. Aussi est-ce sous ce titre que M. Luzel en a donné une variante contée, dans ses Légendes chrétiennes (t. II, p. 201). Il est possible que la conteuse, Marguerite Philippe, ait entendu chanter la gwerz, en ait oublié la forme rimée, et ne se soit plus souvenue que du fond du récit. Toujours est-il que beaucoup de faits légendaires survivent ainsi dans la mémoire du peuple sous