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EN BASSE-BRETAGNE

    Quand elle fut de retour chez elle, — elle trouva sur la table — et son argent et son linge. — À confesse elle se rendit aussitôt.

    Mais elle ne trouva aucun prêtre pour l’absoudre. — Il fallait qu’elle partît pour Rome, — qu’elle s’adressât au pape et lui confessât — ses péchés, sans en rien taire.

    Cette pénitence, elle l’accepta. — Aux siens elle demanda, — le soir même, la permission de se mettre en route : — « Mon mari, je ne puis différer !… »

    Son mari lui parla de la sorte : — « Où vous allez, je vous suivrai. — Si l’un de nous part, nous partirons tous deux. — Je n’ai cure des biens (que je laisserai derrière moi) ! »

    Elle avait un fils encore à la mamelle ; — c’est lui qu’elle embrassa le premier, — puis vint le tour de sa fille aînée. — « Adieu ! dit-elle, mes enfants ! »

    Les voilà tous deux de partir, — emportant avec eux un double pain. — Ils étaient déjà loin de chez eux, — quand ils se croisèrent en route avec des passants.

    La femme, alors, de dire — devant ces gens-là à son mari : — « L’argent que vous m’aviez donné — sur la table, à la maison, est resté.

    « Mon pauvre époux, allez le prendre ; — en cet endroit, je vous attendrai. » — L’homme obéit sur l’heure ; — il retourna chez lui chercher l’argent.

    Dès qu’ils se furent séparés, — la femme se remit en marche. — Et, lorsque le mari revint à l’endroit convenu, — son épouse n’y était plus.

    Le voilà de gémir, — de pleurer et de se lamenter, — tant son angoisse était grande… — À la maison, alors, il retourna.

    À partir de ce jour, ils furent vingt-cinq ans — sans se rencontrer en nul chemin, — et sans jamais entendre prononcer le nom — l’un de l’autre.

    Le mari, n’entendant plus parler — de sa femme, et n’ayant d’elle aucune nouvelle, — avec le temps, se fiança de nouveau — et prit une seconde épouse.

    Hélas ! s’il avait pu savoir — que sa première femme vivait, — il n’aurait pas fait cette chose. — Il n’en fut plus tard que trop navré.