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que l’exorciste connaisse à fond son métier, il est indispensable aussi qu’il ait la poigne solide.

Quand le prêtre est appelé pour une conjuration, il revêt son surplis et tient à la main son étole. Arrivé dans la maison hantée, il se déchausse, car il faut « qu’il soit prêtre jusqu’à la terre (bêlek betek ann douar)[1]. »

Pour qu’il puisse reconnaître les traces du mort, les gens de la maison ont eu soin, dès la veille, de répandre sur le sol de terre battue du sable ou de la cendre fine. Ils en ont répandu de même dans l’escalier, sur toutes les marches depuis le rez-de-chaussée jusqu’au grenier. Le prêtre suit à la piste les traces du mort et s’enferme dans la pièce au seuil de laquelle elles paraissent s’arrêter. C’est là qu’est gîté le mauvais revenant. Là aussi, s’engage entre le prêtre et lui un terrible combat. On a vu des prêtres sortir de ces rencontres exténués, pâles, ruisselants de sueur. Tout le temps que dure le sinistre tête-à-tête, les gens de la maison se tiennent tapis au coin du foyer, muets d’épouvante. Ils se bouchent les oreilles pour tâcher de n’entendre point le vacarme effrayant qui se fait là-haut. Chacun se demande avec anxiété qui l’emportera, de l’âme méchante ou de l’homme de Dieu. Le prêtre cependant tantôt multiplie les oraisons spéci-

  1. Cf. R.-F. Le Men, loc. cit., p. 425. — [L. M.]