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Le mort ne faisait pas un geste, ne proférait pas une parole.

À la fin, mon frère en eut assez de cette situation.

— Jean-Marie Corre, dit-il, apprends-moi du moins ce qu’il te faut.

Ah ! mes amis, n’interpellez jamais un mort ! Ceci est la franche et pure vérité : ainsi interpellé, le spectre de Jean-Marie Corre ne fit qu’un bond du banc où il était assis jusqu’au lit où se trouvait mon frère.

Le pauvre Yvon se fourra tout entier sous les draps.

De la sorte, il ne voyait plus rien. Mais le mort était à cheval sur sa poitrine ; le mort lui étreignait les flancs entre ses deux genoux pointus. C’était une souffrance atroce. Il aurait voulu crier : il ne le pouvait. Il n’avait plus de respiration. Il entendait son haleine râler dans sa gorge comme le vent dans un soufflet crevé.

Je vous promets que le soleil qui se leva le lendemain de cette nuit-là fut béni par quelqu’un, et ce quelqu’un était mon frère, Yvon Le Flem.

Au point du jour, nous le vîmes entrer chez nous, le visage défait, la couleur de la mort au cou.

Quand il essaya de parler, un hoquet lui étrangla la voix.

Il finit par dire :

— Je ne coucherai plus dans la maison de Naïc.

— Si donc, répondit notre père, sur un ton de plaisanterie. Qui a commencé doit continuer.

Yvon lui raconta alors la chose. Le bonhomme devint sérieux.