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LXIV

La rancune du premier mari


Mon frère était un piqueur de pierres si renommé que tous les grands chantiers de Bretagne se le disputaient. Aussi était-il souvent absent, et pour de longs mois. Par exemple, il ne laissait jamais passer une année, sans venir voir notre père… Notre père ! Ah ! que ne l’avez-vous connu ! C’est celui-là qui vous en aurait débité, des histoires ! Et des rouges et des noires, et des grises et des bleues !… Tous ses enfants raffolaient de lui. Donc, un beau matin, on entendait cogner à la porte, et c’était mon frère Yvon. De chaque main il tenait une bouteille d’eau-de-vie.

— Allons, mon père, criait-il joyeusement dès le seuil, je sais bien que vous allez me gronder un peu, parce que j’ai été longtemps sans reparaître. Mais, s’il vous plaît, nous commencerons par trinquer. Je vous chanterai ensuite les jolies chansons que j’ai apprises. On attrape toujours quelque chose en battant du pays.

Le père ne se faisait pas prier. Il était l’indulgence même.

Or, un jour, mon frère arriva ainsi, à l’improviste. Il riait très fort et cependant avait l’air très embarrassé.