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Le soleil était à son midi, lorsque René Pennek entra sur les terres du Mézou-Meur. Jusque-là son voyage s’était accompli sans encombre. L’étalon, durant tout le trajet, s’était montré d’une docilité parfaite. Il n’en fut pas de même, hélas ! jusqu’au terme du voyage. À mesure qu’il approchait du lieu où se faisait l’abatis d’arbres, le jeune homme dut serrer les flancs de sa monture et lui tenir haute la bride. Le bruit des haches s’enfonçant dans le bois faisait dresser les oreilles du cheval. Tout à coup un hêtre se coucha juste en travers de la route. L’étalon fit un bond d’épouvante. René Pennek tomba…, il tomba si malheureusement qu’il fut tué du coup. Sa tête avait porté contre une roche encastrée dans le talus.

Les ouvriers accoururent. Avec des branchages on improvisa une civière. Le pauvre cher jeune homme fut déposé dans la « loge » des sabotiers, avec qui son père avait fait marché pour les troncs abattus.

On alla quérir une charrette à la ferme la plus proche, puis on tira au sort pour savoir qui ramènerait le cadavre chez les vieux parents, car personne ne se souciait d’être le messager de la sinistre nouvelle.

Ce ne fut qu’à la nuit close que René Pennek rentra dans la demeure des siens, « les pieds en avant ».

Chez les Karis, on se coucha, cette nuit-là, comme à l’ordinaire. On n’y avait pas eu vent du malheur qui était survenu. Seule, Dunvel ne dormait point. Elle ne faisait que tourner et retourner dans son lit, comme si elle avait été dévorée par les puces. Le cœur des amoureuses a de singuliers pressentiments. Elle se demandait surtout pourquoi René n’était pas venu lui