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LXIII

La fiancée du mort


Le plus beau fils de paysan qu’il y eût en Bégard était à coup sûr René Pennek, fils d’Ervoann, et la plus jolie fille qui fût à dix lieues à la ronde, c’était Dunvel Karis, la « douce » de René Pennek. Les deux jeunes gens s’aimaient depuis le temps où ils s’étaient rencontrés sur les bancs du catéchisme. Tous deux étaient de bonne maison. Seulement les Pennek possédaient le double de la fortune des Karis. Pour cette raison, Ervoann Pennek ne voyait pas sans contrariété le penchant de son fils pour Dunvel. De son côté, Juluenn Karis, le père de Dunvel, était fier de tempérament ; pour rien au monde il n’eût consentit à faire les premières démarches auprès d’Ervoann Pennek qu’il traitait d’égal à égal et peut-être même avec quelque hauteur, précisément parce qu’il se savait inférieur à lui sous le rapport de la fortune.

Cela n’empêchait pas les deux jeunes gens de se donner « assignation » dans tous les lieux de rendez-vous, tels que pardons, aires neuves et frikadek bolc’h[1].

  1. Mot à mot : écrasement des capsules du lin. C’était, il y a peu d’années encore, une des grandes réjouissances agricoles chez les Bas-Bretons. Après avoir égrugé le lin, on faisait sécher les capsules soit sur l’aire de la grange, soit sur le plancher du