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vivre. Toute besogne inachevée semble ainsi contraindre l’âme à rester à mi-chemin de la mort. Le vieux fermier de Tourc’h, par exemple, a gardé l’apparence d’un homme et il revient passer les nuits auprès de sa femme parce qu’il n’a pas fait son compte d’enfants. Cet état est l’état même des princesses enchantées et enfermées en une montagne ou un château mystérieux[1]. Les deux courants légendaires peuvent donc s’être fondus en un seul, parfois l’idée de l’enchantement semble avoir décidément triomphé et s’être subordonné l’autre conception ; le meilleur exemple en est la ville qui est enclose comme en un tombeau dans une montagne entre Saint-Michel-en-Grève et Saint-Efflam ; pourtant là encore reviennent les expressions de tombe et de ville morte ; mais peut-être ne faut-il pas les prendre trop à la lettre.

La conception toute matérielle que les Bretons se sont faite autrefois de l’âme se trahit encore dans bon nombre de leurs croyances et de leurs usages funéraires. Il faut éviter de laisser le trépied sur le feu, parce que les morts qui ont toujours froid et qui se glissent la nuit jusqu’au foyer pourraient se brûler en s’asseyant ; les âmes se tiennent sou-

  1. Cf. sur cette question Sidney Hartland,The science of fairy tales, ch. VII-VIII-IX.