Page:Le Braz - La légende de la mort en Basse Bretagne 1893.djvu/414

Cette page a été validée par deux contributeurs.
339
EN BASSE-BRETAGNE

avait été séduite par ce misérable juif. Elle fut la première à encourager la princesse à l’épouser. Le mariage fut décidé. Il ne restait plus à faire que les derniers préparatifs.

… — Eh bien ! Jean, tes effets sont-il secs ? demandait à Jean Carré, ce matin-là, l’homme surnaturel.

Jean Carré ouvrit péniblement un œil, puis l’autre.

— Sapristi ! s’écria-t-il, je viens de faire un bon somme !

Il essaya de se mettre sur son séant. Il ne le put. Sa tête toujours retombait en arrière.

— Qu’est-ce que j’ai donc ?

— Tu as que tes cheveux et ta barbe ont tellement poussé, depuis que tu es étendu là, qu’ils ont pris racine dans le sol.

— C’est, ma foi, vrai ! Comment cela se fait-il ?

— Parce qu’il y a deux ans que tu dors, répondit tranquillement l’étranger[1].

— Deux ans !

— Pas un jour de plus, pas un jour de moins. J’aime à croire que te voilà suffisamment reposé.

— Je dois l’être.

— Il faut que tu le sois, car tu n’es pas au bout de tes peines. Remonte sur mes épaules, que nous nous mettions de nouveau en chemin.

  1. V. sur cet écoulement inconscient des heures ; Sidney Hartland : The Science of fairy tales, chap. VII, VIII et IX. — [L. M.]