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« Roule, pillawer ! » Heureusement que la porte du grenier était restée ouverte, et que le pillawer avait eu la chance de l’enfiler. On le ramassa en bas, dans l’état que l’on sait.

L’année suivante, il reparut à Keranniou, qui était une maison hospitalière. Naturellement, il ne souffla mot du pôtr-coz. Il ne demandait pas mieux, cette fois, que de rester bien coi, sur le banc de l’âtre, à fumer sa petite pipe en terre noire. Mais il ne fut pas plus tôt assis qu’il fut bousculé dans le feu. Il s’en fallut de peu qu’il n’y rôtît. Il se releva, alla s’asseoir près de la table. Mais alors des mains invisibles lui pincèrent les cuisses jusqu’au sang et des paires de gifles se mirent à pleuvoir sur ses joues, au point qu’elles en étaient toutes marbrées. Il dut s’enfuir au plus vite. Depuis il n’osa même plus passer sur les terres de la ferme.

Le Vieux fit longtemps des gorges chaudes de cette aventure.

C’était vraiment un farceur que ce Vieux.

La nuit venue et les prières dites en commun, je vous assure que c’était à qui se fourrerait le plus prestement au lit, dans le manoir de Keranniou. Car le dernier couché recevait sur le derrière une si formidable claque qu’il ne pouvait guère ensuite reposer qu’à plat ventre[1]. Ce terrible Vieux vous imprimait sa paume et ses cinq doigts dans la peau. L’endroit, qui

  1. Il est bon de se rappeler la structure des lits bretons, avec leur bank tossel servant de marchepied et leur volet qui glisse dans une rainure. On y entre nécessairement la tête la première.