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Je suis entêté, quand les verres pleins m’ont passé ailleurs que sous le nez.

J’allumai moi-même la chandelle, et me voilà dans l’escalier… Je n’avais pas grimpé six marches que je restai comme cloué sur place. Il venait de là-haut un vent terrible, un vent glacé qui faillit me jeter bas.

Du coup, toute ma boisson s’évapora et, avec elle, mon courage.

Je redescendis.

— Cela te servira de leçon, me dit ma femme.

Vous me croirez, si vous voulez, mais une année durant, nous nous résignâmes à entendre au-dessus de nous le bruit du rouet, et, au bout d’une année, notre patience n’avait pas lassé le mort. Du reste, nous nous étions faits à notre supplice. Le ron-ron ne nous troublait presque plus. Si même il tardait parfois à se faire entendre, nous en étions comme inquiets. Il nous manquait quelque chose.

Je disais souvent à Soëz :

— Pourvu que le vieux stoupêr ne réveille pas les enfants c’est tout ce qu’il faut.

Mais, en une année, les enfants grandissent. Certain soir, un des nôtres se dressa en sursaut dans son lit :

— Mère, qui est-ce donc qui file ?

Ma femme se précipita vers lui, l’obligea à se recoucher :

— Personne ne file. Rendors-toi.

Et moi, je criai de la table où j’avais coutume de travailler :

— Ce sont les moutons qui font ce bruit dans l’étable.