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à l’heure qu’il est[1]. Continuez d’avoir même prudence. Le manège de Fanchi et de sa femme pourra durer longtemps encore. Ne vous en inquiétez point. N’ayez même pas l’air de vous en apercevoir. Au jour marqué par Dieu, ils seront sauvés et vous laisseront tranquilles. Tant que l’âme n’a pas accompli sa pénitence, elle doit faire après la mort ce qu’elle avait coutume de faire de son vivant. Ne t’étonne donc point, Jobic, si Fanchi laboure avec toi les champs ; ni vous, Monna, si Gritten, sa femme, persiste à s’occuper avec vous des choses du ménage. Chacun a son lot, en ce monde et dans l’autre. Qui veut vivre en paix ne cherche pas à pénétrer le secret de Dieu.

À partir de ce jour, plus ne tremblèrent ni Jobic, ni Monna. La vieille de Fanchi put croire que c’était elle qui menait l’intérieur de la ferme. Et Fanchi put croire que c’était lui qui faisait pousser de beau froment vert dans ses champs d’autrefois. Et cela dura ce que Dieu voulut.


(Conté par Marie-Anne Offret. — Yvias, 1886.)
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  1. Sur cette idée qu’il ne faut jamais toucher aux aliments des morts, V. Sidney Hartland, The science of the Fairy tales, p. 41 et seq. — [L. M.]