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prêt, ce n’est pas à moi qu’il faut en savoir gré.

Elle était assise sur le banc du lit, près de l’âtre. En s’approchant d’elle, Jobic s’aperçut qu’elle avait au cou la couleur de la mort.

— Il t’est donc arrivé quelque chose, à toi aussi ? demanda-t-il.

— Pourquoi : à moi aussi ?

— C’est que…, commença le jeune homme, c’est que je viens de rencontrer Fanchi, charruant ses champs.

— À merveille ! Moi, je viens de passer la matinée en compagnie de sa défunte femme. Elle est entrée paisiblement, comme chez elle. J’ai cru d’abord que c’était quelque voisine. Elle tenait une brassée d’ajonc sec qu’elle a jetée sur l’âtre. Elle a monté d’un cran la marmite que j’avais sans doute suspendue trop bas à la crémaillère. Alors, je lui ai parlé. Elle n’a même pas fait mine de m’entendre. J’ai regardé sa figure de plus près, sous sa vieille coiffe jaunie. J’ai reconnu la défunte de Fanchi. Cela m’a glacé les sangs. Je suis tombée sur ce banc et je n’en ai plus bougé. Si tu avais tardé une heure encore, je crois que la peur m’aurait mangée toute.

Jobic et Monna se rendirent, d’un commun accord, au presbytère du bourg et contèrent au curé leur double cas.

— Avez-vous touché aux écuellées de soupe ? demanda celui-ci.

Ils s’en étaient donné garde,

— Vous avez agi sagement, dit le curé. N’y eussiez-vous touché que du bout des lèvres, vous seriez morts