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LA LÉGENDE DE LA MORT

mieux tenues, de Louannec à Minihy, sur un parcours de quatre lieues.

— Il ne les reconnaîtrait plus à cette heure, continuait Jobic, en se parlant à lui-même. Et je ne puis guère espérer les remettre à moi seul en l’état où elles étaient. C’est grand dommage, vraiment !

Comme il achevait ces mots, il s’arrêta tout surpris.

De l’endroit où il se trouvait, ses yeux embrassaient la partie la plus grasse du domaine. Or, là-bas, dans le terroir en pente douce, un homme, appuyé sur le manche d’une charrue sans attelage, creusait un sillon d’une merveilleuse rectitude. Il avait la figure ombragée par un feutre à larges bords, dont les rubans de velours lui pendaient dans le dos, mêlés à ses longs cheveux gris.

Il labourait silencieusement, et les glèbes se retournaient comme d’elles-mêmes.

Jobic le héla, mais il ne parut point entendre.

Jobic se mit alors à le considérer avec attention. À la taille, à l’allure, aux vêtements qu’il portait, il vit à n’en pas douter que c’était Fanchi.

Cela lui ôta toute envie de poursuivre sa promenade. Il rentra à la ferme. Il paraît que Monna n’avait pas tenu grand compte de la recommandation qu’il lui avait faite au départ, car, bien qu’il fût de retour plus tôt qu’il n’avait dit, le dîner l’attendait. Son écuellée de soupe et celle de Monna fumaient l’une en face de l’autre, de chaque côté de la table.

— Hé ! s’écria-t-il, dès le seuil, tu prévoyais donc que je ne serais pas longtemps dehors ?

— Non, répondit la servante, si tu trouves le dîner