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— Ma foi, Monsieur le recteur, s’écria-t-il, je me suis confessé ce matin avant de me mettre en route, dans l’intention de communier demain, jour de Noël. Mais si cela peut vous faire plaisir, je suis prêt à recevoir, dès maintenant, le corps et le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ.

Le prêtre aussitôt descendit les marches de l’autel, pendant que grand-père traversait la foule pour aller s’agenouiller à la balustrade du chœur.

— Ma bénédiction sur toi, Chatton, dit le prêtre, dès que grand-père eut avalé l’hostie. Une nuit de Noël qu’il neigeait comme ce soir, je refusai d’aller porter le viatique à un moribond. Voilà trois cents ans de cela. Pour que je fusse délivré, il fallait qu’un vivant acceptât à communier de ma main. Merci à toi. Tu me sauves, et tu sauves en même temps toutes les âmes défuntes qui sont ici présentes. Au revoir, Chatton, au revoir, à bientôt, dans le paradis !

À peine achevait-il ces mots, que les cierges s’éteignirent.

Grand-père se retrouva seul dans un édifice en ruines et qui n’avait pour toit que le ciel ; il se retrouva seul, au milieu des grandes ronces et des bouquets d’orties qui avaient envahi toute la nef. Il eut mille peines à s’en dépêtrer. Il remonta à cheval et continua son chemin.

Rentré chez lui, il dit à sa femme :

— Il faudra te résigner à me perdre, avant qu’il soit longtemps. J’ai déjà reçu le viatique. Mais, console-toi. Ce viatique doit me conduire tout droit en paradis.