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brasses. La voix, quoique très forte, semblait venir de très loin. Puis, elle avait en vérité quelque chose d’étrange. Yann et Caourantinn se touchèrent du coude.

— Je crois bien, dit Yann, que c’est la voix de mon vilain patron, de Yannic-ann-ôd.

— Je le crois aussi, murmura Caourantinn. Tenons-nous coi. Ce n’est pas le moment de lever le nez.

Et ils s’entortillèrent plus étroitement dans la voile.

Mais ils avaient encore plus de curiosité que de peur. Yann, le premier, se haussa, pour regarder au-dessus du bordage.

— Vois donc ! dit-il à son compagnon.

Le fond de la baie, à leur gauche, venait de s’éclairer subitement d’une lumière qui semblait sortir des eaux. Et dans cette lumière se profilait une barque toute blanche, et dans la barque cinq hommes étaient debout, les bras tendus en avant. Ces cinq hommes étaient vêtus pareillement de cirés blancs parsemés de larmes noires.

— Ce n’est pas Yannic-ann-ôd, dit Yann, ce sont des âmes en détresse. Parle-leur, Caourantinn, toi qui cette année as fait tes Pâques.

Caourantinn se fit un porte-voix de ses mains, et cria :

— Nous ne pouvons aller vous chercher ; nous sommes échoués ici. Venez à nous vous-mêmes ou dites-nous ce qu’il vous faut. Ce que nous pourrons, nous le ferons.

Les deux marins virent alors les cinq fantômes s’asseoir chacun à son banc. L’un prit le gouvernail, les autres se mirent à ramer. Mais, comme ils ramaient