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J’eusse été fort empêchée de tirer d’embarras la femme Sigorel. Par bonheur, nous vîmes à ce moment, sur le chemin, une vieille qui paraissait venir de notre côté. J’allai à elle, et je lui contai le cas de ma compagne.

— Vous êtes une personne d’âge, ajoutai-je ; vous devez avoir l’expérience de toutes choses. Donnez-nous, de grâce, un bon conseil.

La vieille se tourna aussitôt vers Marie Sigorel :

— Avez-vous dans votre poche, lui demanda-t-elle, l’offrande à faire au saint ?

— Oui, répondit Marie, j’ai les cinq sous qu’on m’a chargée de mettre dans le tronc.

— Eh bien ! glissez-les dans vos chaussures, sous la plante de vos pieds, et récitez une prière pour demander à Dieu d’accroître la béatitude du pauvre ange. Vous pourrez alors continuer votre chemin, sans encombre.

Nous souhaitâmes à la vieille mille bénédictions.

À partir de ce moment, Marie Sigorel chemina librement et notre pèlerinage s’accomplit le mieux du monde[1].


(Conté par Lise Bellec, couturière. — Port-Blanc.)
  1. On lit dans la Vie de saint Goulven (Dom Lobineau, Vie des saints de Bretagne) :

    « Un homme, après avoir fait vœu, avec un de ses voisins, d’aller en pèlerinage à Rome, dans un certain délai, avait engagé son voisin à différer, contre son gré ; et pendant ce retard, le voisin était mort. Saint Goulven ordonna au pénitent d’aller à Rome, et d’y porter le corps de son voisin cousu dans un sac de cuir.