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calées dans la cour du manoir, le premier soin de chacun fut de s’aller coucher. On était abruti de boisson et harassé de fatigue. Le fils aîné lui-même dormait debout. Cependant il ne gagna son lit qu’après avoir religieusement plié la coiffe dans un coin de son armoire.

Au réveil, ce fut encore à elle qu’il pensa tout d’abord. En faisant tourner la clef de l’armoire, il disait, reprenant son refrain de la veille :

— Petite coiffe de toile fine, qu’il était donc gracieux, le visage que tu encadrais !…

Mais le battant ne fut pas plus tôt ouvert, qu’il poussa un cri… un cri de stupeur, d’angoisse, d’épouvante, à vous faire dresser les cheveux sur la tête !

Tous ceux qui étaient dans le logis accoururent.

À la place de la blanche coiffe en toile fine, il y avait une tête de mort.

Et sur la tête, il restait des cheveux, de longs et souples cheveux, qui prouvaient que c’était la tête d’une fille.

Le fils aîné était si pâle qu’il en paraissait vert. Tout à coup, il dit avec colère, tout en faisant mine de rire :

— Ça, c’est un vilain tour que quelqu’un a voulu me jouer. Au diable, cette hure !

Déjà il avançait la main pour saisir la tête et la lancer au dehors.

Mais, à ce moment, les mâchoires s’entr’ouvrirent hideusement, et l’on entendit une voix qui ricanait :

— J’ai fait selon ton désir, jeune homme : je suis venue au Guern te réclamer ma coiffe. Ce n’est pas ma faute si tu as changé d’avis, depuis hier.