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de vous munir d’une aiguille et d’une pelote de gros fil. Vous étendrez le linceul sur le catafalque…

— Je n’oserai jamais, monsieur le recteur.

— Il le faut, ma fille. Vous verrez un mort s’allonger sur le linceul…

— Oh !

— Vous l’y envelopperez aussitôt et vous l’y coudrez.

— Je n’oserai jamais, Monsieur le recteur. J’aime mieux mourir.

— Ne dites pas cela, Katic. Si vous mouriez maintenant, vous seriez damnée. Il ne fallait pas oser hier, vous n’auriez pas à oser aujourd’hui. D’ailleurs, prenez courage, vous ne serez pas seule, je vous assisterai.

— Merci, monsieur le recteur !

— Vous tâcherez de coudre très vite, très vite. Quand il ne vous restera plus que trois ou quatre coutures à faire, vous direz assez haut pour que je vous entende : « J’ai fini ! » N’oubliez pas cette recommandation, c’est essentiel.

— Je vous obéirai de point en point, Monsieur le recteur.

Un peu avant minuit, Katic était dans l’église. Comme la veille, le catafalque occupait le milieu de la nef, et, dans les grands chandeliers d’argent, les cierges se consumaient.

— Mm Dieu ! mon Dieu ! murmura la pauvre fille, donnez-moi force et courage.

Elle déplia le drap qu’elle rapportait et le disposa proprement sur le catafalque.