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LA LÉGENDE DE LA MORT

vers Kersaliou, et jamais elle n’avait eu au cœur une joie si douce.

— Quelle belle figure il avait ! pensait-elle. Kersaliou est un manoir noble dont dépendait, avant la Révolution, le domaine de Guernoter. Une avenue de grands hêtres y conduit. Lorsque la petite vachère s’engagea dans l’avenue, les feuilles des hêtres se mirent à bruire, à bruire, et presque à chanter, comme si chacune d’elles avait été un oiseau.

— Je ne sais pas, se disait Mônik, mais il me semble qu’il va m’arriver aujourd’hui quelque chose d’extraordinairement heureux. J’ai comme un pressentiment que la rencontre du vieillard me portera bonheur.

Elle allait entrer dans la cour de Kersaliou, quand elle se trouva face à face avec le propriétaire du manoir.

Elle le bonjoura.

— Où allez-vous ainsi, ma petite ? lui demanda-t-il.

— Chez vous, Monsieur de Kersaliou.

— Et qu’allez-vous faire chez moi ?

— Vous apporter ce billet qui m’a été remis pour vous.

Elle raconta son aventure du porche, et combien le vieillard lui avait paru beau, malgré son grand âge.

— Le reconnaîtriez-vous, si on vous faisait voir son portrait ? interrogea le gentilhomme qui, à la lecture du billet, était subitement devenu tout pâle.

— Certes oui, je le reconnaîtrais.

— Venez donc.

Il l’emmena au manoir et lui en fit parcourir toutes