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XXXIV

La curiosité de Iouennic Bolloc’h


Iouennic Bolloc’h eut cette curiosité impie.

Iouennic Bolloc’h était un mendiant qui ne manquait ni d’esprit, ni de savoir-faire. Il s’était fait ce raisonnement :

— Si je pouvais prévenir d’avance du jour de leur mort tous ceux qui sont destinés à mourir cette année, j’arriverais à me faire ainsi de jolis profits.

Donc, le soir de la Toussaint, il s’arrangea pour être à Castel-Pôl (Saint-Pol-de-Léon). Il avait entendu dire qu’à Castel-Pôl il y avait, non pas un, mais dix, mais vingt charniers dans le cimetière. Il se dissimula tant bien que mal, en se couchant dans l’herbe à plat ventre. Et il attendit en cette posture le colloque des morts.

Vous n’ignorez pas qu’à Castel-Pôl, les ossuaires sont encastrés dans les murs du cimetière.

Un mort de l’un des charniers interpella un autre mort du charnier d’en face.

— Ami, disait-il, est-ce que tu m’écoutes ? Iouennic Bolloc’h sentit cette parole passer au ras de lui comme le souffle glacial d’une bise.

— Ami, répondit l’autre mort, je t’écoute, mais il y a un vivant entre nous.