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XXXIII

L’Ofern drantel
(LA MESSE DE TRENTAINE)


Autrefois, c’était l’habitude de faire célébrer pour chaque défunt une trentaine, c’est-à-dire une série de trente services. Les prêtres disaient les vingt-neuf premières messes à leur église de paroisse. Mais la trentième, il était d’usage de l’aller dire à la chapelle de saint Hervé, sur le sommet du Ménez-Bré[1]. C’est

  1. Le Ménez-Bré (la montagne des montagnes) est un monticule isolé qui se dresse en avant de la chaîne principale de l’Arez, moitié dans la commune de Pédernek, moitié dans celle de Louargat. Il est pour le pays trégorrois ce que sont le Ménez-Mikel pour la Haute-Cornouaille et le Ménez-Hom pour la côte ouest du Finistère, une sorte de montagne sainte ; on ne saurait voyager dans les arrondissements de Lannion ou de Guingamp, sans voir au loin sa grande croupe bleue, et la petite chapelle qui la surmonte. Cette chapelle est placée sous l’invocation de saint Hervé, patron des poètes populaires et des nomades chanteurs de complaintes. Il vécut aveugle, comme Homère, et dompta les loups. Un escalier de gazon conduit à son sanctuaire que la foudre détruisit partiellement à deux reprises différentes. Le porche ne fut jamais atteint. Il passe pour avoir été bâti par le diable. Est-ce pour ce motif que la tradition a voué tout l’édicule à la célébration de l’ofern drantel, de la messe de trentaine, qu’on appelle encore la