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sulter. Il faut être plus fort que lui pour lui arracher ses secrets.

Tant qu’on ne l’a pas dompté, on n’y voit que du rouge. Les caractères noirs ne se montrent que lorsqu’on les y a contraints, en rossant le livre, comme un cheval rétif. On est obligé de se battre avec lui, et la lutte dure parfois des heures entières. On en sort baigné de sueur.

Primitivement, il n’y avait que les prêtres à posséder des agrippas. Chacun d’eux a le sien. Le lendemain de leur ordination, ils le trouvent à leur réveil sur leur table de nuit, sans qu’ils sachent d’où il leur vient et qui le leur a apporté.

Pendant la grande Révolution, beaucoup d’ecclésiastiques émigrèrent. Quelques-uns de leurs agrippas tombèrent entre les mains de simples clercs qui, durant leur passage aux écoles, avaient appris l’art de s’en servir. Ceux-ci les transmirent à leurs descendants. Ainsi s’explique la présence dans certaines fermes du « livre étrange. »

Le clergé sait combien il a été détourné d’agrippas, et quels sont les profanes qui les détiennent.

Un ancien recteur de Penvénan disait :

— Il y a dans ma paroisse deux agrippas qui ne sont pas où ils devraient être.

Le prêtre ne fait mine de rien, tant que le détenteur est en vie ; mais, lorsque aux approches de la mort il est appelé à son chevet, après avoir entendu la con-