— J’aurais souhaité qu’il te permît d’accomplir une partie de ta pénitence en ma maison, auprès de moi pendant le temps que j’ai encore à vivre. Dieu doit savoir que nous nous aimions d’une amitié rare, Pezr Nicol.
— Il le sait, en effet, Yvon Penker. Sois certain qu’il ne tardera pas à nous réunir. Avant peu, ton âme sera venue me rejoindre dans cette lande.
Trois mois après, jour pour jour, on enterrait Yvon Penker, l’homme sage[1].
L’âme apparaît aussi sous la forme d’une fleur, d’une grande fleur blanche ; elle est plus belle à mesure qu’on s’approche d’elle et s’éloigne quand on veut la cueillir.
- ↑ Il me souvient d’avoir entendu, dans mon enfance, raconter cette même légende, mais avec des détails beaucoup plus circonstanciés, à Miliau Arzur, le roi des conteurs du pays de Ploumilliau. J’ai fait bien des recherches pour le retrouver sous cette forme plus complète. Je n’ai pas abouti. Il y avait, en particulier, un dialogue tout à fait saisissant entre l’âme du mort, d’une part, et les instruments de labour, puis les bêtes, d’autre part. À chacune des bêtes et à chacun des instruments, l’âme demandait : Pe drouk, pe fall am eus grêt ganid ? (Est-ce le bien, est-ce le mal que j’ai fait avec toi ?)
Elle avait l’air de les appeler en témoignage. La phrase que je cite m’est restée dans la mémoire, sans doute à cause de la persistance avec laquelle elle se répétait dans le récit.