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— Je ne peux, mon pauvre Yvon. Ici est la place que Dieu m’a fixée pour y faire ma pénitence, et je dois y demeurer pendant cinq cents ans. Il faut que le bon Dieu t’aime bien pour t’avoir permis de reconnaître mon âme sous cette forme de moucheron.

— Oh ! je ne t’ai pas perdu de vue un seul instant depuis l’heure où tu t’es séparé de ton corps. Si pourtant ! je me trompe ; pendant quelques minutes tu as disparu, sans que j’aie pu me rendre compte en quel lieu tu pouvais être. Mais d’abord dis-moi, je te prie, pourquoi tu as commencé par tremper tes pattes dans la jarre de lait ?

— Ne devais-je pas me blanchir, avant de comparaître devant le grand Juge ?

— Et ensuite, quand tu t’es esquivé, après avoir voleté de ci de là tout au travers de la maison, qu’es-tu devenu ?

— Si tu m’as vu voleter de ci de là tout au travers de la maison, c’est qu’il fallait que je prisse congé de chacun des meubles. Lorsque ensuite je me suis esquivé, c’était encore pour aller, dans la cour et dans les étables, prendre congé des instruments qui m’avaient servi naguère et des bêtes qui m’avaient aidé au labour. Cela fait, je me suis présenté au tribunal de Dieu.

— Tu n’as pas été longtemps à faire tout cela.

— Les âmes ont des ailes qui vont vite.

— Mais pourquoi t’es-tu laissé enfermer dans le cercueil avec ton corps ?

— J’étais tenu d’y rester jusqu’à ce que Dieu eût prononcé ma sentence.