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vers un bâtiment isolé où l’on enfermait les instruments de labour. Sur tous elle posa les pattes[1]. Charrues, hoyaux, bêches, à tous elle dit adieu.

De là, elle regagna la maison.

Ludo la vit grimper sur le cadavre et se laisser mettre avec lui dans le cercueil.

Le clergé vint chercher le corps. La messe d’enterrement fut chantée ; le cercueil fut descendu dans la fosse. Mais dès que le prêtre célébrant l’eut aspergé d’eau bénite, dès que les proches parents eurent jeté dessus les premières mottes de terre, Ludo en vit sortir derechef la souris blanche.

Le jeune homme inconnu lui avait expressément recommandé de la suivre jusqu’au bout, fut-ce par ronce, épine ou fondrière.

Le voilà donc de planter là l’enterrement et de se remettre à pèleriner derrière la souris.

Ils traversèrent des bois, franchirent des marais, escaladèrent des fossés, passèrent des bourgs, tant et si bien qu’ils aboutirent à une vaste lande au milieu de laquelle se dressait le tronc à demi desséché d’un arbre. Il était si vieux, si pelé, qu’on n’aurait su dire si c’était un tronc de hêtre ou de châtaignier. L’inté-

  1. Le seigneur du Quinquiz, dont il est question dans cette légende, était apparemment un de ces gentilshommes-paysans, jadis nombreux en Basse-Bretagne, qui se rendaient aux champs, l’épée au côté, et la suspendaient à quelque tronc de chêne, pour prendre en main le manche de la charrue. Il y en avait parmi eux qui ne dédaignaient pas de disputer aux simples laboureurs, dans les marradek, la palme du charruage.