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diligence. Je suis au plus bas. Si tu avais tardé d’une demi-heure, tu n’aurais guère trouvé qu’un cadavre. Comment cela a-t-il marché, à Rennes ?

— Vous avez gagné votre procès.

— Je t’en sais bon gré, mon ami. Grâce à toi, je puis mourir tranquille.

Cette fois, Ludo Garel ne tenta point de réconforter son maître par des paroles d’espérance. Il savait que la destinée[1] doit s’accomplir. Il alla tristement se placer à la tête du lit, de façon néanmoins à ne jamais perdre de vue le visage du comte. La salle était pleine de gens en larmes. La comtesse prit Ludo par le bras et lui dit à l’oreille :

— Vous êtes harassé de fatigue. Il ne manque pas ici de monde pour veiller mon pauvre mari. Allez dormir.

— Mon devoir, répondit le domestique, est de rester au chevet de mon maître jusqu’au dernier moment.

Et il resta, malgré toutes les instances.

Dix heures sonnèrent. Ainsi qu’avait prédit l’inconnu, le seigneur du Quinquiz entra en agonie. Une vieille femme entonna les « grâces. » L’assistance murmura les répons. Ludo Garel mêla sa voix à celles des autres, mais sa pensée n’était pas à la prière qu’il marmottait. Elle était toute tendue vers ce qui se passerait tout à l’heure, au moment de la séparation de l’âme d’avec le corps.

Le comte, cependant, commençait à balancer la tête

  1. Ar blanêdenn (la planète), disait ma conteuse. C’est l’expression consacrée.