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XXVII

La veillée de Lôn


Lorsque mourut Lôn Ann Torfado[1], ainsi appelé parce que sa vie durant, il n’avait fait que mettre en pratique les préceptes d’Ollier Hamon le mauvais clerc[2], sa femme convia en vain le voisinage à venir faire près de son cadavre la veillée mortuaire.

— Je ne tiens cependant pas, se dit-elle, à veiller seule ce mécréant. J’aurais trop peur que, mort, il ne me jouât quelque farce plus vilaine encore que toutes celles qu’il m’a jouées de son vivant.

Ceci se passait un samedi soir.

Quoique l’heure fût quelque peu avancée, la femme de Lôn Ann Torfado se rendit au bourg.

  1. Torfado, forfaits.
  2. On peut lire dans les Gwerziou Breiz-Izel (tome II, page 293) une version, d’ailleurs très incomplète, de cette ballade du mauvais clerc, qui a joui naguère d’une grande vogue par toute la zone maritime du pays trégorrois. Le nom d’Olivier Hamon y est resté synonyme de « vaurien », de « débauché», ou mieux de fanfaron de vices. Cet Olivier Hamon, « natif du canton » (il a soin de ne pas spécifier), fut destiné par ses parents à la prêtrise, tourna bride dès les premières années d’étude, se fit valet, se maria, mangea la dot de sa femme, battit le pays et « mourut dans la peau d’un chien ».