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XXI

La ballade de l’Ankou


Vieux et jeunes, suivez mon conseil. — Vous mettre sur vos gardes est mon dessein ; — Car le trépas approche, chaque jour, — Aussi bien pour l’un que pour l’autre.

— Qui es-tu ? dit Adam, — À te voir j’ai frayeur. — Terriblement tu es maigre et défait ; — Il n’y a pas une once de viande sur tes os !

— C’est moi l’Ankou, camarade ! — (C’est moi) qui planterai ma lance dans ton cœur ; — Moi, qui te ferai le sang aussi froid — Que le fer ou la pierre !

— Je suis riche en ce monde ; — Des biens, j’en ai à foison ; — Et si tu veux m’épargner, — Je t’en donnerai tant que tu voudras.

— Si je voulais écouter les gens, — Accepter d’eux un tribut, — (Ne fût-ce) qu’un demi-denier par personne, — Je serais opulent en richesses !

Mais je n’accepterai pas une épingle, — Et je ne ferai grâce à nul chrétien, — Car, ni à Jésus, ni à la Vierge, — Je n’ai fait grâce même.

Autrefois, les « pères anciens[1] » — Restaient neuf cents ans sur la brèche. — Et cependant, vois, ils

  1. Les patriarches.