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têtes, des têtes humaines, jaunes, grimaçantes, hideuses !

Il n’était que trop facile de deviner à quel boucher appartenait toute cette viande.

Croyez d’ailleurs que je restai à regarder ce spectacle moins de temps que je n’en mets à vous le décrire.

Laissant la fenêtre telle qu’elle était, je regagnai mon lit à quatre pattes ; j’avais une peur horrible que l’homme au grand chapeau me vît ou m’entendît.

Une fois au lit, je m’enfonçai tout entier sous les couvertures, mais j’eus soin de ménager à la hauteur de mes yeux une sorte de petit soupirail, de trou de jour, par lequel je pouvais continuer de voir, sans être vu.

Pendant près d’une demi-heure, l’homme au grand chapeau passa et repassa dans la lumière de la fenêtre, découpant à chaque fois son ombre gigantesque sur le parquet de la chambre.

Tout à coup, dans la pièce même, je distinguai de nouveau le bruit de pas, qui précédemment m’avait réveillé.

C’était quelqu’un qui débouchait par l’embrasure de la porte, donnant accès dans la cuisine.

Il ressemblait de point en point à l’autre, à l’homme de la cour, sauf qu’il était encore plus grand, encore plus maigre. Sa tête n’était pas proportionnée à son corps. Elle était menue, menue, et elle branlait si fort en tous sens qu’on craignait sans cesse de la voir se détacher. Ses yeux n’étaient pas des yeux, mais deux petites chandelles blanches brûlant au fond de deux