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férent, à certains égards, de celui du collecteur de contes. Le conte est essentiellement un témoin ; en lui survivent souvent des croyances mortes depuis longtemps et qui n’ont pas laissé d’autres traces. Puis, il vient du fond d’un lointain passé ; il dure toujours, semblable à lui-même en ses multiples transformations depuis des milliers d’années ; il vient aussi parfois d’un pays lointain ; il a voyagé à travers les continents et les îles, à la suite des marchands, des soldats et des matelots. La légende, au contraire, est un produit du sol où on la récolte ; c’est là qu’elle est née, c’est là sans doute qu’elle mourra. Une légende n’est jamais que l’expression passagère, l’expression fortuite d’un ensemble de croyances ; elle ne saurait avoir la durée, la résistance que présentent à l’usure du temps, les contes qui renferment, sous une forme qui parfois les rend méconnaissables, des mythes explicatifs de phénomènes naturels ou de rites. Tandis que les contes ne changent guère, les légendes s’effacent assez vite de la mémoire des hommes, aussitôt remplacées par d’autres légendes, dont les héros sont plus familiers au conteur et à ceux qui l’écoutent. C’est là ce qui sépare nettement à la fois ces légendes des contes mythologiques et des récits épiques ou historiques, où le nom, la personne, le caractère