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lence. Ils ne conversaient plus entre eux, dans leurs multiples jargons.

— Mon frère m’avait rejoint sur la falaise. Il avait l’œil plus exercé que le mien. N’importe ! Il ne fit que voir ce que je voyais, rien de plus.

— Eh bien, nous demanda la vieille, quand nous eûmes repassé le seuil.

Mon frère répondit :

— Ça doit être un intersigne de marin.

Ma mère, de son lit, commença aussitôt le De profundis.

Nous pensions tous à Guillaume, et, tout en priant, nous ne pouvions nous empêcher de sangloter.

Je ne crois pas que nous ayons pleuré autant, un mois après, lorsque la mère, de retour de Tréguier où elle avait été toucher sa « délégation », au bureau de la marine, nous annonça que Guillaume était mort.

C’était le sous-commissaire qui lui avait communiqué la chose. Juste le soir où, pour la première fois, nous avions entendu le bruit des rames, le frère aîné, étant à Karikal des Indes, avait été commandé pour aller à terre, avec le canot du bord, en compagnie de trois matelots, chercher des officiers. Il était revenu au navire avec un fort mal de tête. Le lendemain, son nez avait saigné. Le surlendemain, on avait débarqué son cadavre, pour être inhumé dans le cimetière catholique…

En ce monde, il ne faut s’étonner de rien. Tout s’y fait par la seule volonté de Dieu.


(Conté par Marie-Cinthe Toulouzan. — Port-Blanc, août 1891.)


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