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— Puîs-je quelque chose pour vous et désirez-vous que je vous remorque ?

A.U lieu de répondre, Thomme fit jouer le gouvernail et le bateau disparut.

Si le pilote avait eu la présence d'esprit de dire : Requiescant in pace^ il aurait sauvé toute cette bate-lée de marins défunts.

L'homme de barre en question est toujours, à ce que l'on prétend, le dernier noyé de Tannée*. Des ramasseuses de goémon, étant un soir à la pointe de Kilaourou, dans Test de Tîle, virent les voiles de la bag-noz passer à raser la pointe. Parmi elles se trouvait une veuve Fauquet, dont le mari, quelques semaines auparavant, avait disparu dans la chaussée de Sein, sans que la mer eût rendu son cadavre. Or, quel ne fut pas son émoi, de reconnaître dans le personnage qui menait la barque funèbre le mari qu'elle avait perdu ! C'était si bien lui qu^elle ne put s'empêcher de tendre les bras vers son Anaon^ en criant :

— Jozon ! Jozon kès ! (Joseph ! mon cher Joseph !)

Mais lui ne détourna seulement pas son visage. Et la barque s'éloigna, silencieuse, ne laissant même pas derrière elle la trace d'un remous dans les eaux qu'elle fendait*.

(Marzin, gardien de phare. — Ile de Sein, 1896.)

1. D'après H. Le Carguet (/levt/e des traditions populaires, t. VI, p. 655), c'est le premier mort de Tannée. Cf. ci-dessus, t. I, p. 95.

2. En Bretagne, on voit quelquefois un vaisseau-fantôme à la